Dans cette série, le HUB612 donne la parole à celles et ceux qui façonnent l’intelligence artificielle au quotidien, au plus près des métiers, des usages, et surtout : de la réalité.
Après un premier échange tourné vers les enjeux technologiques de l’IA, ce nouvel épisode met la lumière sur un tout autre terrain d’application, profondément humain : l’accompagnement des troubles dys grâce à l’IA.
Nous avons interrogé Baptiste Brejon, le CEO & cofondateur de Glaaster, une startup qui développe des solutions personnalisées pour les personnes atteintes de troubles cognitifs, grâce à l’intelligence artificielle. Pour lui, l’IA n’est ni une magie, ni un buzzword : c’est une nouvelle révolution mathématique, au service de l’inclusion, de la santé, et de l'autonomie.
Sa vision est claire : l’IA est un outil. Encore faut-il bien s’en servir !
Une nouvelle révolution mathématique
Quelles sont tes convictions sur l’IA ?
Je pense que l’IA sera l’outil qui va changer comment l’homme vit tout simplement. J’explique souvent que l’IA c’est seulement une approche mathématique, statistique des choses. Les mathématiques ont toujours eu un rôle dans l’espèce humaine : la géométrie a changé notre architecture, l’algèbre a changé le commerce. Aujourd’hui, on est face à une nouvelle révolution mathématique qu’on vient appliquer avec l’intelligence artificielle. Il ne faut pas en avoir peur, c’est un changement naturel. On va fondamentalement changer notre manière de vivre, grâce à cette approche mathématique des problèmes.
Avec une application concrète
Selon toi, à quoi doit servir l’IA ?
C’est un point fondamental pour moi, je pense que l’IA et tout ce qu’on met en œuvre doit aider nos prochains. Typiquement, chez Glaaster, on utilise l’IA comme un outil pour aider plus en profondeur les personnes ayant des difficultés. C’est comme ça que les choses vont s’orienter : l’IA doit devenir une solution qu’on va utiliser devant tout problème, notamment ceux qui nous gênent au quotidien.
Comment l’IA permet d’aider davantage les personnes atteintes de troubles dys ?
Dans les troubles dys, Il faut bien comprendre que tout le monde est différent, tout le monde a des difficultés différentes. Si demain je venais avec une solution universelle, comme pour les lunettes par exemple, si je venais avec une seule paire de lunettes pour tous les myopes de France, on comprendrait très vite que ça ne va pas fonctionner. C’est le même problème aujourd’hui, on a l’impression d’avoir des solutions universelles, mais elles ne répondent pas au besoin de tout le monde. C’est là que l’intelligence artificielle est intéressante, car je vais pouvoir adresser chaque besoin individuellement cette fois-ci, et proposer la paire de lunettes qui va bien à chacun.
Quels cas d’usage concrets de l’IA te semblent les plus prometteurs pour traiter les troubles dys ?
L’idée est vraiment de déjà pouvoir mieux comprendre les besoins de la personne ayant le trouble. C’est là que l’IA est fantastique, le modèle que nous avons développé s’appuie sur le résultat de tests neurologiques pour proposer ensuite un ensemble de solutions adéquates. Finalement, nous pourrions dire que notre modèle étend la connaissance que nous créons avec le laboratoire de recherche pour l’appliquer à chaque individu. Nous permettons d’appliquer la recherche à tout le monde.
Comment l’IA va-t-elle accompagner les personnes atteintes de troubles cognitifs tout au long de leur vie ?
L’IA pour les troubles dys peut aussi s’étendre au monde scolaire et professionnel. Peu importe où je vais, je vais retrouver un modèle d’intelligence artificielle, chez l’orthophoniste, à la maison, à l’école. Mais si on retourne le problème, la vraie approche c’est peut-être d’avoir une intelligence artificielle, qui est à moi, celui de Glaaster, et c’est moi qui l’emmène ou j’ai besoin de l’emmener.
L’impact sur les métiers de la santé cognitive
Quels métiers vont être affectés par l’usage de l’IA dans les professionnels de santé liés aux troubles dys ?
Je pense que c’est important que tous les métiers aient l’intégration de ces outils dans leurs parcours, je pense notamment aux orthophonistes qui font des thérapies sur-mesures à chaque personne et peuvent s’appuyer sur des technologies qui permettent de fabriquer des contenus spécifiques à chacun. Et puis en amont, pour ceux qui vont faire un diagnostic plus poussé, des spécialistes et des chercheurs vont pouvoir s’appuyer sur des outils de diagnostic plus poussés grâce à de l’IA. Chaque brique indépendamment va avoir besoin des différentes facettes de l’intelligence artificielle.
Des promesses … Et des limites !
Quelles sont, selon toi, les principales limites actuelles de l’IA dans vos projets ?
Je pense que comme tout modèle d’IA et tout projet avec de l’IA, le premier problème c’est d’avoir des données de qualité. Encore une fois, l’IA, ça n’est pas de la magie : je lui donne de l’information à l’entrée et elle me donne un résultat en sortie par rapport à des règles que je lui ai données. Dans notre cas à nous, si je ne lui donne pas assez de données en entrée, je ne vais pas avoir de résultats cohérents à la sortie. Le premier challenge, c’est comment constituer une base de données de qualité.
Si tu devais imaginer un usage de l’IA encore impossible aujourd’hui, ce serait lequel ?
Sans faire peur à tout le monde, ce serait incroyable d’avoir une intelligence artificielle qui soit capable d’imaginer. Aujourd’hui, l’IA prend des données, les mâche, et en fournit quelque chose en sortie. On est sur de la régression, on ne peut pas inventer des choses; Le jour où l’IA pourra inventer quelque chose, cela va ouvrir un spectre des possibilités énorme.
Y a-t-il une idée reçue sur l’IA que tu entends souvent et que tu aimerais déconstruire ?
“L’IA se résume à Chatgpt”. Ou aux autres LLM. C’est faux. L’IA c’est un moyen informatique d’appliquer des règles statistiques à des problèmes. et dans notre cas, par exemple, l’IA de Glaaster ne sait faire que la correspondance entre un problème cognitif et une adaptation de contenus. Ca c’est de l’intelligence artificielle. Donc j’aimerais au moins déconstruire cela : l’IA ça n’est pas seulement chatGPT.
L’IA en un mot ?
Le futur. Il ne faut pas en avoir peur !
Mais un futur à construire avec soin. Pour Glaaster, l’IA sera d’autant plus transformative qu’elle restera au service de l’humain. Et c’est tout l’enjeu de cette série !